ISR et impact immobilier : comment analyser un fonds avec la grille IFD ?

Dans un marché où de nombreux fonds se réclament du développement durable, il n’est pas toujours simple pour un CGP de distinguer les engagements sincères des promesses marketing. C’est particulièrement vrai dans l’univers immobilier, où les approches extra-financières se multiplient… sans toujours se ressembler.

La grille publiée par l’Institut de la Finance Durable (IFD) peut vous aider à y voir plus clair. Elle fournit des repères concrets pour évaluer la solidité d’une stratégie d’impact, et poser les bonnes questions aux sociétés de gestion.

Ce focus concerne sa déclinaison dédiée aux fonds immobiliers, élaborée avec le soutien de l’ASPIM. Il existe également des versions pour les actions cotées, le non coté ou les fonds généralistes, utiles si vous travaillez sur plusieurs typologies.

1. Finance responsable, finance à impact : deux approches bien distinctes

L’une des contributions importantes de la grille de l’IFD est de clarifier ce qui différencie la finance responsable de la finance à impact.

Dans les termes du rapport (section 4, p. 8), la finance responsable se concentre avant tout sur les processus et la gestion des risques, souvent via des pratiques ESG classiques. Elle vise à limiter les impacts négatifs, sans nécessairement chercher à transformer les activités financées.

La finance à impact, elle, repose sur trois piliers :

  • l’intentionnalité (volonté explicite de générer un impact positif),

  • l’additionnalité (capacité à apporter quelque chose qui n’aurait pas eu lieu sans le financement),

  • et la mesure (évaluation des résultats obtenus dans l’économie réelle).

L’objectif de la finance à impact, tel que défini par l’IFD (section 1, p. 3), est d’accélérer la transformation juste et durable de l’économie réelle, en apportant une preuve des effets bénéfiques des actions menées.

2. Comment savoir si une société de gestion est vraiment dans l’impact ?

La grille de l’IFD compte 34 questions d’évaluation, mais certaines sont particulièrement révélatrices. Voici 5 questions-clés inspirées directement des critères qualifiants de la grille, que tout CGP peut poser à une société de gestion pour vérifier la cohérence et la crédibilité d’un fonds présenté comme « à impact » :

  1. Votre fonds affiche-t-il noir sur blanc un objectif d’impact dans ses documents officiels ?
    Cible le critère d’intentionnalité (Q5)

  2. Quelles actions concrètes mettez-vous en œuvre pour produire cet impact ?
    Le simple choix d’un actif vert ne suffit pas (Q7, Q9). Exemples : conditions de financement favorables, accompagnement des locataires, clauses d’impact dans les baux.

  3. Comment mesurez-vous les résultats obtenus ?
    Attendez-vous à ce qu’ils aient fixé des objectifs ex ante et qu’ils suivent les résultats chiffrés (Q20, Q25).

  4. Gérez-vous aussi les effets négatifs de vos investissements ?
    Un vrai fonds à impact ne se contente pas d’un bilan positif net, il agit aussi sur les éventuels dommages collatéraux (Q6, Q16, Q23).

  5. Votre stratégie d’impact est-elle contrôlée ou auditée ?
    Interne, externe ou par un comité d’impact, peu importe. Mais une vérification existe (Q24).

3. Exemple pratique : analyser un fonds immobilier avec ces questions

Prenons un fonds immobilier thématique qui dit vouloir contribuer à la réduction de l’empreinte carbone du bâti :

  • Affiche-t-il clairement cet objectif dans ses documents contractuels ?

  • A-t-il prévu des actions post-investissement (ex. : travaux, accompagnement des locataires) ?

  • Fixe-t-il des indicateurs de résultats précis, par exemple une baisse mesurable de l’intensité énergétique sur 12 mois ?

  • Suit-il également les impacts sur d’autres critères (ex. : artificialisation des sols, conditions sociales des bâtiments) ?

  • Existe-t-il un rapport d’impact annuel ou un contrôle externe de ces données ?

Avec ces 5 réflexes, vous pouvez vérifier rapidement la solidité d’une démarche d’impact. Exemple inspiré des critères de la grille IFD, notamment les sections A (théorie du changement), B (mise en œuvre opérationnelle) et C (suivi des résultats).

4. Ce que vous pouvez en faire, concrètement

  • Utilisez ces 5 questions comme grille de lecture lors de vos échanges avec les sociétés de gestion. Elles vous permettent d’aller au-delà des déclarations d’intention et de tester la robustesse réelle d’une démarche d’impact.

  • Comparez les réponses de plusieurs sociétés de gestion avec la grille de 13 critères qualifiants définie par l’IFD : une véritable checklist pour évaluer la cohérence d’un fonds présenté comme « à impact ».

  • Mobilisez ces éléments dans vos argumentaires clients. Un exemple simple : « Ce fonds ne se contente pas d’être bien noté sur des critères ESG. Il se fixe un objectif clair de transformation, met en œuvre des actions concrètes et mesure ses résultats. »

Comprendre ce qu’est un fonds à impact n’est pas seulement une question de conviction. C’est aussi un levier de conseil différenciant pour les CGP. Comme le résume Aymeric, CEO d’isrselect : « L’impact, ce n’est pas une posture. C’est une méthode. Et quand on a les bons repères, cela devient un réflexe professionnel. »

Grâce à la grille de l’IFD, vous disposez d’un référentiel clair et exigeant pour distinguer les fonds réellement engagés de ceux qui s’en revendiquent sans en démontrer la substance.

BONUS CGP : la checklist des 13 critères-clés d’un fonds à impact selon l’IFD

Un fonds peut être considéré à impact s’il valide ces points essentiels :

  1. Objectif explicite d’impact dans les documents officiels (Q5)

  2. Volonté de réduire les externalités négatives (Q6)

  3. Choix des actifs alignés avec la logique d’impact (Q14)

  4. Actions concrètes et pertinentes pour générer de l’impact (Q7 & Q9)

  5. Gestion active des externalités au-delà des objectifs visés (Q16)

  6. Mesure des résultats par rapport à des objectifs précis (Q20)

  7. Suivi et gestion des externalités négatives (Q23)

  8. Contrôle des stratégies d’impact (Q24)

  9. Obtention de résultats quantifiés positifs (Q25)

  10. Communication honnête sur la contribution potentielle (Q29)

  11. Publication d’un rapport d’impact annuel (Q30)

  12. Cohérence entre la RSE de la SGP et les objectifs du fonds (Q31)

  13. Rémunération des gérants alignée avec la performance d’impact (Q32)

Astuce : imprimez cette liste, et utilisez-la comme grille d’analyse à chaque fois qu’un fonds vous est présenté comme « à impact ».

Pour aller plus loin

Envie de voir comment ces grilles d’analyse s’appliquent à des cas concrets ? Nous avons comparé les approches ISR de plusieurs fonds immobiliers dans un article dédié : PERIAL, MATA CAPITAL, Novaxia…
Lire l’analyse comparative

 

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Sources : Institut de la Finance Durable, “Finance à impact - Notice explicative de l’échelle d’évaluation du potentiel d’impact d’un fonds - Classe d’actifs : actifs immobiliers“, Mai 2025

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